Le Gabon franchit un cap décisif avec l’interdiction d’exporter du manganèse brut à partir du 1er janvier 2029, une décision annoncée le 30 mai 2025 par le président Brice Clotaire Oligui Nguema. Cette mesure, visant à promouvoir la transformation locale, a été au cœur d’une rencontre le 11 juin 2025 entre le ministre de l’Industrie et de la Transformation Locale, Lubin Ntoutoume, l’Administrateur Directeur Général de la Compagnie Minière de l’Ogooué (Comilog), Léod Paul Batolo, et le représentant d’Eramet au Gabon, André Massard. Cet article explore les implications économiques de cette stratégie et l’engagement des acteurs clés pour faire du manganèse Gabon un moteur de développement durable.
Une ambition de souveraineté économique
Le ministre Lubin Ntoutoume a réaffirmé la volonté du Gabon de transformer ses ressources sur place pour créer des emplois, augmenter la valeur ajoutée et renforcer la souveraineté économique. « Nous ne voulons plus exporter nos richesses brutes. Le Gabon doit maîtriser la chaîne de valeur du manganèse », a-t-il déclaré. Cette politique s’inscrit dans une tendance continentale, où des pays comme la Guinée (bauxite), le Zimbabwe (lithium) et le Mali (or) privilégient la transformation locale pour capter davantage de valeur économique.
Eramet et Comilog : Un engagement pour la transformation locale
Comilog, qui exploite la mine de Moanda, la plus grande mine de manganèse au monde, et Eramet, son principal actionnaire, soutiennent pleinement cette transition. Léod Paul Batolo a souligné que Comilog a déjà investi dans des infrastructures de transformation, comme le complexe métallurgique de Moanda, capable de produire 85 000 tonnes par an de silicomanganèse et de métal de manganèse. « Cette politique nous pousse à accélérer nos efforts et à innover », a-t-il affirmé.
De son côté, André Massard, représentant d’Eramet, a salué une « vision ambitieuse » alignée sur les tendances mondiales de relocalisation industrielle. Eramet s’engage à développer les filières aval, notamment la métallurgie et les alliages, pour créer des milliers d’emplois qualifiés au Gabon d’ici 2029. L’entreprise, présente dans le pays depuis plus de 30 ans, vise à préserver les 10 460 emplois soutenus par Comilog et sa filiale de transport ferroviaire, Setrag.
Les enjeux économiques et sociaux
Le manganèse, utilisé dans la production d’acier et de batteries pour véhicules électriques, représente une source majeure de revenus pour le Gabon, aux côtés du pétrole et du bois. En 2024, le pays a exporté 7,03 millions de tonnes, soit 23 % du commerce mondial, principalement vers la Chine, l’Europe et les États-Unis. Cependant, la majorité du minerai est exportée brut, limitant les retombées économiques locales.
L’interdiction d’exportation vise à :
- Créer des emplois qualifiés : En développant des usines de transformation, le Gabon pourrait générer des milliers d’emplois dans la métallurgie et les technologies associées.
- Augmenter les revenus fiscaux : La transformation locale permettra de capter une plus grande part de la valeur ajoutée.
- Renforcer la résilience économique : En réduisant la dépendance aux exportations brutes, le Gabon diversifiera son économie.
Cette transition est soutenue par un fonds d’investissement public-privé, annoncé par le gouvernement, pour financer les infrastructures nécessaires d’ici 2029.
Les défis à relever
La mise en œuvre de cette politique ne sera pas sans obstacles. Le Gabon doit investir massivement dans les capacités de transformation et les infrastructures énergétiques, notamment en s’appuyant sur l’hydroélectricité locale. En 2016, une tentative similaire d’interdiction avait échoué faute de capacités suffisantes.
De plus, l’exportation d’alliages transformés pourrait augmenter l’empreinte carbone du transport vers des marchés comme l’Europe, un défi à concilier avec les ambitions de durabilité. Eramet, qui alimente déjà ses usines en Norvège et en France avec du minerai gabonais, devra adapter sa chaîne logistique.
Perspectives : Le Gabon comme hub industriel
En s’inspirant de l’Indonésie, qui a interdit l’exportation de nickel brut en 2020 pour développer son industrie locale, le Gabon ambitionne de devenir un hub de transformation du manganèse en Afrique. Des initiatives comme l’expansion potentielle du complexe métallurgique de Moanda ou le développement de la production de composants pour batteries pourraient positionner le pays comme un acteur clé dans la transition énergétique mondiale. Des discussions avec des partenaires comme le Maroc, qui vise à devenir un centre de fabrication de batteries, sont également envisageables.
Les récentes réunions entre le ministre des Mines, Gilles Nembe, et les opérateurs du secteur, ainsi que le soutien de la Confédération Syndicale des Travailleurs du Gabon (CSTG), témoignent d’un consensus national autour de cette stratégie.
L’interdiction d’exporter du manganèse brut dès 2029 marque un tournant pour le Gabon, soutenu par Eramet et Comilog. En misant sur la transformation locale, le pays vise à créer des emplois, renforcer son économie et s’affirmer comme un leader industriel en Afrique. Avec des investissements stratégiques et une collaboration étroite entre l’État et les entreprises, le manganèse Gabon pourrait devenir un modèle de valorisation des ressources naturelles pour le continent.







































