Depuis 2021, l’application Wave Mobile Money, devenue incontournable dans le paysage des paiements numériques en Afrique de l’Ouest, lutte pour offrir à ses utilisateurs ivoiriens la possibilité d’acheter du crédit téléphonique directement depuis sa plateforme. Une fonctionnalité déjà disponible dans d’autres pays comme le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso, mais qui rencontre une vive opposition en Côte d’Ivoire de la part des opérateurs Orange CI, MTN CI et Moov Africa CI.
Pour Wave, ce refus est une entrave à la concurrence et a conduit l’entreprise à saisir officiellement l’ARTCI (Autorité de Régulation des Télécommunications et des Technologies de l’Information et de la Communication de Côte d’Ivoire) le 12 mars 2024 pour pratiques anticoncurrentielles. Wave dénonce une situation où les opérateurs réservent ce service à leurs propres filiales de mobile money – Orange Money, Moov Money et MTN Money – et à d’autres distributeurs tiers.
Une audience tendue, des positions irréconciliables
Lors de l’audience publique du 25 mars 2025, les trois opérateurs ont contesté la compétence de l’ARTCI, arguant que l’achat de crédit téléphonique serait un service financier, et non un service télécom. Wave, de son côté, a rejeté cette position, soulignant que les filiales des opérateurs commercialisent déjà ce crédit téléphonique, tout comme d’autres fintechs opérant sur le marché.
Dans cette situation, Wave réclame une harmonisation de l’accès à ce service, estimant qu’aucune législation ivoirienne ou ouest-africaine ne l’interdit, et au contraire, soutient la libre concurrence.
Un secteur en pleine mutation et enjeux économiques sous-jacents
Cette affaire met en évidence les tensions croissantes dans l’industrie du mobile money, où la frontière entre services télécoms et services financiers devient floue. Les opérateurs historiques, dominants dans la distribution de crédit téléphonique, voient en Wave un concurrent qui pourrait perturber leur part de marché dans ce secteur particulièrement lucratif.
Un élément notable de l’audience a été que MTN CI et Orange CI ont été représentés par le même avocat, ce qui soulève des interrogations sur une entente tacite entre les deux acteurs pour freiner l’expansion de Wave. Ce choix stratégique, bien que légal, renforce l’idée que les opérateurs cherchent à limiter la concurrence de manière concertée.
La jurisprudence sénégalaise en question
En Sénégal, l’ARTP, l’autorité équivalente de régulation, a déjà permis à Wave Sénégal de commercialiser du crédit téléphonique. Cette décision pourrait servir de précédent pour Wave en Côte d’Ivoire, qui s’appuie sur cette jurisprudence pour demander une décision similaire dans son propre pays.
Une décision cruciale pour la concurrence et le consommateur
Derrière cette bataille juridique se cache un enjeu fondamental pour les consommateurs. Limiter l’accès de Wave à la distribution de crédit téléphonique pourrait réduire les canaux de distribution, restreindre la concurrence, et donc limiter les options tarifaires pour les utilisateurs. Les opérateurs, pour leur part, justifient leur position par des accords contractuels existants et par le fait que Wave ne disposerait pas des autorisations nécessaires.
L’ARTCI face à un choix déterminant
L’ARTCI devra trancher ce débat complexe et déterminer si l’achat de crédit téléphonique est un service télécom ou financier, et si la concurrence est entravée par l’exclusivité des opérateurs. Cette décision pourrait non seulement avoir des implications sur Wave, mais également redéfinir les relations entre les acteurs télécoms et les nouveaux entrants dans le secteur numérique, tout en influençant la dynamique du marché du mobile money en Afrique de l’Ouest.







































